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Patañjali - Sādhana Pāda

55 sutras qui présentent la méthode par étape pour atteindre le but du yoga

La pratique – Le kriya yoga

tapaḥ svādhyāya iśvarapraṇidhānāni kriyāyogaḥ (1)

Le kriya yoga est fondé sur la chaleur (tapa) générée par l’obervation (adhyāya) de l’action de l’âme (sva) dans le corps au travers du prāṇāyāma : iśvarapraṇidhānāna (1)

Après le premier chapitre qui décrit le but du yoga et les moyens d’y parvenir dans les grandes lignes, ce deuxième chapitre va décrire plus en détail la pratique, la sādhanā. Le troisième chapitre va se concentrer sur les fruits de la pratique. Ce deuxième chapitre indique comment allumer et entretenir le feu (tapa). Le troisième chapitre est nommé “cendres” (vibhūti).

La traduction commune de ce sutra est: “le kriya yoga repose sur l’ascèse, l’étude du soi (au travers des écritures) et l’abandon de soi au divin”. Plus profondément cependant, on fait connaissance du soi en méditant sur lui, et non en lisant des livres. Cette connaissance génère une dévotion. Le contact avec le soi allume un feu, un feu de la connaissance qui brûle l’ignorance, c’est-à-dire qui nous rapproche de la perception directe de notre identité universelle.

En se concentrant dans tapaḥ loka (ājñā cakra), on pratique iśvarapraṇidhānāna, on observe ainsi indirectement l’action de l’âme dans le corps, à savoir y maintenir la vie (prānā) au travers du souffle, physiologiquement de l’électricité dans le système nerveux, de la respiration et des battements du cœur.

samādhibhāvanārthaḥ kleśatanūkaraṇārthaśca (2)

Avec l’intention d’obtenir le samādhi et d’éliminer les souffrances corporelles (2)

Le but de la pratique est le samādhi. En chemin, la pratique réduit toutefois la souffrance dans les trois corps, physique, astral/psycho-émotionnel et causal/mental. Il ne s’agit pas de combattre la souffrance, mais d’aller vers la lumière.

Les afflictions – obstacles – kleśā

avidya asmitā rāga dveṣa abhiniveśāḥ pañca kleśāḥ (3)

L’ignorance spirituelle, l’ego sans limite, la passion, l’aversion et l’attachement sont les cinq afflictions (3)

avidya est la non-connaissance de notre nature divine. asmitā est en lien avec les désirs sans limites de l’ego. rāga recoupe toutes les passions qui emportent le mental au gré des désirs, en particulier la colère quand les désirs sont contrariés. dveṣa est l’inimitié et plus largement toutes les aversions. abhiniveśā est la peur de la mort, en lien avec notre attachement au monde.

Ces cinq kleśā, en lien avec les cinq cakra, du 1er au 5e, qui sont le reflet du regard tourné vers l’extérieur, vers le monde, conduisent à un flux de pensée générant une expérience de souffrance. La souffrance va du subtil sentiment de séparation au désespoir.

avidyā kṣetramuttareṣāṁ prasuptatanuvicchinnodārāṇām (4)

La réponse au champ de non-connaissance est un profond sommeil activement disséminé dans tout le corps (4)

Le questionnement du premier cakra est “Que faire pour assurer la subsistance ?”. Les réponses successives sont argent, sexe et nourriture, pouvoir, savoir et créativité. Ces réponses sont toutes tournées vers le monde et couvrent tout le corps, jusqu’à ājñā cakra, au centre du crâne, lieu de la conscience christique, de kutastha chaitanya. La non-connaissance du soi, sous toutes ses formes, est le grand sommeil de l’âme.

anityāśuciduḥkhānātmasu nityaśucisukhātmakhyātiravidyā (5)

Instabilité, impureté, tristesse, stabilité, pureté, plaisir, de même que d’être établi dans l’âme ou non, tout cela est avidyā (5)

Les dualités, mêmes subtiles, forment l’ignorance. La traduction usuelle de ce sutra est que l’ignorance est la confusion entre le temporel et l’éternel, entre la pureté et l’impureté, entre le plaisir et la souffrance, entre le soi et le non-soi. La distinction entre le soi est le non-soi est encore une dualité, la dernière peut-être.

dṛg darśana śaktyoh ekātmata iva asmitā (6)

Quand la vision et l’objet de la vision sont unis solidement, cela prend l’apparence d’une âme séparée. C’est l’origine d’asmitā, l’ego. (6)

A l’image d’une relation sexuelle, le contact visuel, ou sensoriel, avec un objet, est souvent suivi d’un désir, menant à une procréation. La procréation est en particulier la sensation d’exister, en tant qu’être séparé, et d’avoir un lien avec l’objet.

La vision, dṛg, est de nature masculine. L’objet de la vision, darśana, est de nature féminine. Ce jeu (dṛgdarśana) sans fin (asmitā), entre celui qui voit, la vision et l’illusion d’une existence individuelle (ekātmata iva), est le jeu sans fin de la vie.

sukhānuśayī rāgaḥ (7)

La dépendance aux désirs conduit à la colère (7)

Un désir satisfait contribue à créer de l’attachement. Un désir insatisfait provoque frustration et colère. Le feu du 3e cakra, non contrôlé, nous dessèche et nous assoiffe, nous plongeant durablement dans la quête de la satisfaction des désirs. 

duḥkhānuśayī dveṣaḥ (8)

L’inimitié et les aversions (dveṣa) conduisent au doute et à la tristesse (duḥkha) (8)

L’élément air, dans le 4e cakra, est instable. Il véhicule bien le prāṇā et permet de créer des relations d’amour émotionnellement fortes. Ces relations sont facilement renversables en haine. Quand le contrôle de l’air est perdu, le doute est là. Quand l’amour est perdu, la tristesse est là.

svarasavāhī viduṣo’pi tathārūḍho’bhiniveśaḥ (9)

En suivant notre propension naturelle à rechercher une connaissance extérieure, nous nous enracinons dans l’attachement (9)

Nous voulons tout “goûter” par les cinq sens, au travers des cinq cakra inférieurs. En goûtant, on obtient bien une connaissance du monde, mais nous renforçons l’attachement au jeu de la vie. Cela crée et renforce asmitā (l’ego, le sans fin) et avidya (l’ignorance) s’en suit.

te pratiprasavaheyāḥ sūkṣmāḥ (10)

Eviter subtilement chacune de ces manifestions (10)

Le contrôle direct des vṛtti n’est pas possible. On ne contrôle pas le mental avec le mental. Si l’on a une volonté personnelle d’atteindre quelque-chose, on renforce l’attachement au monde, grossier ou subtil, et on s’éloigne du but. Le chemin est de se détourner de toute relation avec le monde, tout en restant fonctionnel. Il faut éviter de s’attacher à quoi que ce soit, y compris à cette idée qu’il ne faut pas s’attacher. En portant l’attention sur le subtil (sūkṣmā), en méditant sur l’âme, le soi, “celui qui voit”, on progresse naturellement sur le chemin du yoga.

La jouissance et le karma

dhyānaheyāstadvṛttayaḥ (11)

Si l’on néglige la méditation, les vṛtti dominent (11)

Le yoga, c’est la maîtrise de vṛtti, des activités du mental. Ne pas méditer, c’est la garantie que ces activités vont reprendre le dessus et nous attacher au monde. Sans méditer constamment, toute la journée, il n’est pas possible de résister aux tentations. La méditation constante, la pratique de īśvara praṇidhāna, permet de garder la connexion avec le subtil et d’ainsi ne pas se laisser noyer par les vagues du mental (vṛtti).

kleśamūlaḥ karmāśayo dṛṣṭādṛṣṭajanmavedanīyaḥ (12)

La souffrance provient des impressions mentales laissées par l’action (karma), générée par l’attention portée à ce qui apparaît, à ce que est perçu ou à ce qui n’est pas perçu. (12)

La relation que nous avons avec ce que nous faisons, percevons ou imaginons, laisse des traces en nous. Ce traces conditionnent notre existence et sont comme une matrice solide qui nous maintient dans l’obscurité du monde, c’est-à-dire dans l’ignorance que notre vraie nature est pure conscience. 

La relation entre l’acte de vision et l’objet de la vision est le processus de création, l’action, le karma. Pour aller où on le souhaite dans le monde, il faut faire attention à ce à quoi nous portons attention, car cela aura tendance à grandir. Pour aller là où nous voulons spirituellement, il convient de ne plus créer de karma, de ne plus avoir d’action. Pour cela, il faut ne plus avoir de relation avec le monde et offrir toutes nos actions. Il faut casser les “moi”, “mon”, “mien”, etc. Le divin ne se révèle qu’à ceux qui ont le cœur pur, débarrassé des traces, négatives et même positives, laissée par le karma. 

sati mūle tadvipāko jātyāyurbhogāḥ| (13)

Dans cette racine murissent castes et caractères, durée, jouissances et souffrances (13)

Toute conception et sanctionnée d’une naissance. Celle dont il est question ici prend du temps pour mûrir en vous, dix secondes, dix jours, dix ans, … symboliquement le nombre dix. Toute conception, physique ou mentale, est élaborée à partir des cinq éléments, dans un sens ascendant (terre, eau, feu, air et éther), puis descendant. A chaque séquence désir-conception-naissance correspond une durée. Tant que cette durée n’est pas écoulée, il n’est pas possible d’échapper à l’expérience et à la souffrance qui va avec. d’où l’importance d’arrêter de générer du karma en s’impliquant personnellement dans l’action.

te hlādaparitāpaphalāḥ puṇyāpuṇyahetutvāt (14)

Qu’ils soient jouissance ou souffrance, pêché ou action vertueuse, les fruits du karma s’impriment dans la mémoire (14)

Les actions avec lesquelles nous avons un lien personnel génèrent des sentiments en nous qui s’impriment dans notre mémoire. Ce sont les saṁskāra.

pariṇāmatāpasaṁskāraduḥkhairguṇavṛttivirodhācca duḥkhameva sarvaṁ vivekinaḥ (15)

Ce qui en résulte, sensations de brûlure, saṁskāra, afflictions, qualités et actions sont des entraves, même pour le sage (15)

Le bon karma et plus léger que le mauvais karma, mais tout karma est une entrave. Même le sage, dans la mesure dans laquelle il entretient un lien affectif avec quelque-chose, se génère des souffrances.

A compléter : sutras 16 à 27

Les huit étapes du yoga – aṣṭāṅga yoga

yogāṅgānuṣṭhānādaśuddhikṣaye jñānadīptirāvivekakhyāteḥ (28)

Par la pratique des différentes étapes du yoga, toutes les impuretés seront brûlées et la lumière de la vraie connaissance s’épanouira jusqu’à une glorieuse sagesse (viveka) (28)

Le yoga propose un ensemble de pratiques qui purifient toutes les parties du corps, de bas en haut. Elle est aisée à mettre en oeuvre et donne des résultats quasi garantis. D’autres voies essaient de partir d’en haut et de faire descendre la lumière. Elles commencent par la méditation, par la vision du divin, et essaie de là de faire descendre la lumière purificatrice dans tout le corps. C’est à mon avis réservé à une élite capable de méditer sans technique, avec un mental déjà sous contrôle. Le yoga, partant du niveau zéro, est accessible à tous. 

Dès que notre système énergétique et notre mental sont purifiés, la vision de la Réalité telle qu’elle est apparaît. Il est alors possible de distinguer (viveka) le Réel de l’irréel.

yamaniyamāsanaprāṇāyāmapratyāhāradhāraṇādhyānasamādhayo’ṣṭāvaṅgāni (29)

contrôle extérieur (yama), contrôle intérieur (niyama), posture intérieure (āsana), contrôle du prāṇā (prāṇāyāma), renonciation (pratyāhāra), concentration (dhāraṇa), méditation (dhyāna) et l’état sans forme (samādhi) sont les huit étapes du yoga (29)

Les cinq premières étapes visent successivement la purification des cinq premiers cakra. Les trois dernières étapes forment le saṁyama et ont lieu entre les 6e et 7e cakra, dans notre temple intérieur, c’est-à-dire entre le palais et la fontanelle.

Contrôle de soi et discipline – yama et niyama

ahiṁsāsatyāsteyabrahmacaryāparigrahā yamāḥ (30)

yama consiste en la non-violence (ahiṁsa), la vérité (satyā), l’absence de vol (asteya), le comportement divin (brahmacarya) et un état au-delà des problèmes issus de la configuration des planètes (aparigrahā) (30)

yama et niyama posent les fondements de notre comportement dans le monde et en nous qui rendent possible la pratique. Sans yama et niyama, il ne peut pas y avoir l’espace dans notre vie nécessaire à une pratique spirituelle, trop d’énergie et d’attention seraient gaspillées vers l’extérieur.

yama et niyama, pratiqués avec soin et intensité, sont un chemin en soi.

yama est le contrôle de la graine de toute matière (bīja) située dans le 1er cakra. Ce contrôle doit s’exercer dans les cinq cakra, c’est pourquoi il y a cinq yama.

jātideśakālasamayānavacchinnāḥ sārvabhaumā mahāvratam (31)

Cette grande technique universelle n’est pas limitée par la caste, le lieu, l’époque ou les circonstances, ni par aucune forme de séparation (31)

Tout un chacun peut pratiquer avec succès le yoga. 

śaucasantoṣatapaḥsvādhyāyeśvarapraṇidhānāni niyamāḥ (32)

Le contrôle intérieur (niyama) consiste en la pureté (śauca), le contentement (santoṣa), la chaleur intérieure (tapa), la lecture intérieure (svādhyāya) et la pratique constante de iśvara (iśvarapraṇidhānāna) (32)

Le contrôle intérieur est à appliquer dans les cinq centres d’énergie (cakra). Dans le centre du coccyx, il s’agit d’établir la pureté, en particulier d’enlever l’égoïsme. Dans le 2e centre, en lien avec les appétits, il s’agit d’établir une satisfaction indépendante des circonstances. Dans le 3e centre, du mental, il faut allumer et entretenir le feu de la discipline pour brûler tous les désirs du mental. Dans le 4e centre, il s’agit de porter une attention constante à la respiration, c’est la lecture intérieure, l’étude du soi au travers de l’observaton de son action. Dans le 5e centre, il faut établir une pratique constance de iśvara (i-énergie – śva-soi – ra-manifestation).

| i-énergie | śva-soi | ra-manifestation |

vitarkabādhane pratipakṣabhāvanam (33)

Les pensées, lumineuses ou obscures, sont facilement sources de doutes, obstacles sur le chemin (33)

Il faut dompter les doutes et ne pas les laisser nous arrêter.

vitarkā hiṁsādayaḥ kṛtakāritānumoditā lobhakrodhamohapūrvakā mṛdumadhyādhimātrā duḥkhājñānānantaphalā iti pratipakṣabhāvanam (34)

Les fruits illimités de l’affliction et de la non-connaissance sont le doute, la manifestation de la violence, les actions passées, la reconnaissance, la cupidité, la colère, l’illusion. Ceux-ci doivent être éliminés par la voyelle intérieure, subtilement, et vous devez garder à l’esprit que les deux facettes de ces fruits, bonne et mauvaise, lumineuse et obscure, existent. (34) 

adhimâtra, la voyelle intérieure, est votre souffle, votre vie. Elle est l’énergie créatrice de chacune des facettes des manifestations intérieures, bonnes ou mauvaises. Mais cela ne doit pas être un problème, car il suffit juste de porter une attention constante au souffle, d’y rester à chaque instant, dans chaque respiration.

ahiṁsāpratiṣṭhāyāṁ tatsannidhau vairatyāgaḥ (35)

Si nous sommes établis dans la non-violence intérieure, alors nous sommes près de renoncer à nos ennemis et de ne pas nous en créer (35)

La moindre instabilité mentale déclenche en nous la violence, une multitude d’ennemis intérieurs. Tant et si bien que nous devenons notre propre ennemi, nous devenons violents à notre égard, à l’égard de notre à corps, de notre vie. Seule l’instauration de la non-violence intérieure dans le premier centre d’énergie permet de renoncer à ces ennemis intérieurs, de se libérer de leur emprise.

satyapratiṣṭhāyāṁ kriyāphalāśrayatvam| (36)

Quand nous sommes établis dans la vérité intérieure, alors nous pouvons escompter les résultats du kriya (36)

Le deuxième centre est celui de l’affectivité, de l’amour. Or on ne joue pas, pas plus qu’on ne triche, avec l’amour sous pine de souffrances et d’immenses frustrations. Suivre le principe, la loi intérieure, suivre son souffle, là est la vérité, celle qui vous permet de récolter le véritable amour, l’amour divin, et d’escompter les fruits du kriya. 

asteyapratiṣṭhāyāṁ sarvaratnopasthānam (37)

Établir en nous la non-convoitise fera apparaître tous les joyaux intérieurs (37)

Quand le mental nous a tout dérobé, il ne reste que du plomb, une infinie pesanteur mentale et une lassitude permanente. Mais quand l’absence de vol est établie en nous, dans le troisième centre d’énergie, quand le mental est sous contrôle, apaisé, alors nous recevons les joyaux intérieurs, la quiétude et la légèreté. 

brahmacaryapratiṣṭhāyāṁ vīryalābhaḥ (38)

Quand nous sommes établis dans la vie, dans le souffle, nous pouvons jouir de notre énergie intérieure. (38)

Tout comme le premier son-graine est yang, la semence première, la graine intérieure, est le souffle de vie connecté au quatrième centre d’énergie. Quand nous établissons en nous notre nature divine (brahmacarya), ce souffle nous permet d’accroître notre énergie vitale (prãna shakti). 

En cheminant “avec brahman”, en ayant toujours une partie de l’attention tournée vers le divin, on agit avec mesure, on évite ainsi de gaspiller de l’énergie vers l’extérieur.

aparigrahasthairye janmakathantāsambodhaḥ (39)

Etablis fermement au-delà de toute vicissitude, nous pouvons connaître la signification profonde de la création intérieure (39)

Chaque élément renferme la graine des organes des sens et des organes d’actions, mais la graine de tous les éléments est contenue dans les deux pétales de la pituitaire, hang sau, ātmā, I’Âme, le créateur de jivātmā, le créateur de tous les éléments. Quand nous dépassons le cinquième centre d’énergie, celui des cervicales, au-delà des problèmes et des illusions, nous rejoignons ātmā, l’Âme. janma n’est pas corps physique, ni même la création du monde physique. Chaque inspiration est une naissance en soi, chaque expiration, une mort. Cette naissance, janma, est le fruit de l’union du souffle et du feu intérieur au sein de la matrice divine. Elle constitue les pensées, bonnes ou mauvaises, les désirs, toutes les manifestations intérieures. Le moyen de parvenir à la connaissance de cette création n’est pas, comme certains le proposent, de revivre sa naissance physique, de renaître physiquement par l’intermédiaire de techniques psychologiques, ou d’analyser les troubles psychiques de votre enfance. 

En étant fermement établi, par la pratique, au-delà de toute vicissitude, il est possible de connaître l’origine de cette création intérieure, de savoir comment les choses prennent naissance dans la matrice divine.

śaucātsvāṅgajugupsā parairasaṁsargaḥ (40)

La pureté intérieure se situe dans notre propre corps. Celui-ci est séparé des autres corps et éprouve à leur égard de l’aversion (40)

Il n’est pas question ici de pureté extérieure, mais de pureté intérieure. Une fois cette dernière établie en nous, nous éprouvons une forme d’aversion à l’égard des sens et des organes des sens, ainsi que le désir de nous en éloigner, d’en être comme étranger. Car ce corps-ci n’est pas notre corps propre. Notre corps, c’est le souffle et ce corps physique n’en est que l’ombre ; c’est ce qu’il nous est possible de ressentir lorsque la véritable pureté est atteinte dans le coccyx, premier centre d’énergie.

sattvaśuddhisaumanasyaikāgryendriyajayātmadarśanayogyatvāni ca (41)

La véritable pureté, un mental noble et concentré, ainsi que la victoire sur les sens, sont les capacités requises pour pouvoir contempler ātmā (3)

En conclusion, on peut dire que la pratique permet d’obtenir dans les différents centres les résultats et qualités suivants : la vérité (sattva) dans le premier centre, le coccyx ; la pureté (śuddha) dans le deuxième centre, le sacrum ; le mental noble (saumanasya) dans le troisième centre, les lombaires ; l’unité (ekagrya) dans le quatrième centre, les dorsales ; le contrôle des sens (indriya) dans le cinquième centre, les cervicales. Etablir la victoire (jaya) de ces qualités dans chaque centre est ce pour quoi nous sommes sur Terre. 

santoṣādanuttamasukhalābhaḥ (42)

Si vous parvenez à la satisfaction intérieure, vous obtiendrez la joie suprême, et cela vous sera d’un grand profit (42)

Le deuxième centre est le siège du goût et d’une profonde insatisfaction. Par la pratique, nous obtenons santoṣa, une satisfaction intime qui nous permet de jouir pleinement de la vie intérieure.

kāyendriyasiddhiraśuddhikṣayāttapasaḥ (43)

Le succès obtenu sur l’organe mental ôte toutes impuretés. Il peut être obtenu par la chaleur intérieure, elle-même créée par le souffle (43)

Le sens majeur est le mental. Le fondement des sens, de leurs organes et des organes d’action se situe dans le centre des lombaires (manipura). De même, la place centrale de la vie est le centre du cœur, nābhi chakra, le chakra du nombril, au niveau du cœur (anāhata), tout comme celle de l’âme est la pituitaire. Non pas le nombril physique, celui par lequel pénétrait la nourriture pendant la gestation dans le ventre de la mère, mais le lieu où le souffle est digéré. Les organes des sens et les organes d’action ne sont que l’ombre du mental. Aucune forme de stimulation ne provient directement d’eux. C’est l’organe mental qui les engendre. Les impuretés qui en sont issues doivent être désagrégées par le souffle, par l’énergie qu’il crée. 

svādhyāyādiṣṭadevatāsamprayogaḥ (44)

Par une pratique intérieure, nous entrons en communion avec le Père intérieur (44)

iṣṭadevata est notre Père. Non pas le père biologique mais le Père causal. iṣṭa est l’énergie primordiale établie (i est l’énergie primordiale, et ṣṭa ou pratiṣṭa, établie). iṣṭa pénètre en nous avec īkara, connectée au son yang. Cette bīja, cette graine, est le premier souffle, dans lequel s’enracine le prānā. Celui-ci provient de note Père causal il s’établit donc dans notre corps, et d’abord dans le centre du cœur. Pour remonter au Père, il nous faut effectuer une lecture intérieure, svādhyaya, porter une constante attention au souffle dans le quatrième centre (anāhata). Là, nous obtenons l’énergie intérieure, celle qui nous mènera vers notre véritable origine, notre Père divin.

samādhisiddhirīśvarapraṇidhānāt (45)

Par la pratique constante de iśvara, vous obtenez le succès de samādhi (45)

Lors de la méditation, nombre de pensées et d’hallucinations surgissent. Lorsque nous avons les yeux fermés, des couleurs et des lumières apparaissent, ainsi parfois qu’une forme pervertie de tranquillité mentale qui peut être confondue avec le samādhi. Tout cela se situe dans le cinquième centre d’énergie, au niveau des cervicales. En samādhi, il n’y a ni hallucinations, ni souvenirs, ni rêves. Nous sommes au-delà de la tranquillité. Ce succès de samādhi ne peut s’établir qu’au-delà du cinquième centre, dans la pituitaire.

L’assise – āsana

sthirasukhamāsanam (46)

L’assise est stable et confortable (46)

yama et niyama, les deux premières étapes du yoga décrites jusqu’à présent, s’enracinent chacune dans un centre d’énergie spécifique, sans pour autant n’en concerner qu’un seul. Chacune s’établit sous différentes formes dans les cinq premiers centres. Ce n’est qu’après avoir instauré ces deux premiers éléments que nous parvenons à asana. De nombreux ouvrages traitent de la nature d’āsana. Certains spécifient qu’il est recommandé de méditer en padmāsana, la posture du lotus, d’autres décrivent le lieu de la méditation, la taille de la pièce dans laquelle elle doit s’effectuer et donnent d’autres détails encore. Mais là n’est pas l’important. āsana se situe dans les lombaires, le troisième centre (manipura), celui du mental. Mais il concerne également la pituitaire, car c’est là que doit s’établir la véritable posture, dans le sixième centre d’énergie, quand tout est calme, immobile, que le mental est pacifié. Il est dit que cette posture ne s’obtient que lorsque le canal médullaire est ouvert car il permet alors à la force de vie (prānā) de s’écouler librement en direction de la pituitaire. La seule contrainte est de garder la colonne vertébrale droite. On retrouve ce même conseil dans la bhagavad gītā, chapitre 6, verset 13 : samaṁ kāya-śhiro-grīvaṁ dhārayann achalaṁ sthiraḥ
samprekṣhya nāsikāgraṁ svaṁ diśhaśh chānavalokayan, le corps, le cou et la tête doivent être alignés, bien droits nous devons rester immobile et fixer notre attention à la base du nez. Là doit s’établir la véritable posture, de manière agréable, calme et statique.

prayatnaśaithilyānantasamāpattibhyām (47)

Apaisé, avec prudence et constance, avancez jusqu’au terme (47)

Toute chose est fondée sur le symbole de l’infini. Cet infini intérieur, visargah en sanskrit, correspond aux lettres hang sau, dans la pituitaire. Graphiquement, il représente l’union, le fait de rassembler, de joindre, tout en ressemblant à la posture à du lotus. La véritable posture, comme l’infini, est située dans la pituitaire.

tato dvandvānabhighātaḥ (48)

Pratiquer cette āsana sans interruption ni dualité (48)

La pratique doit se faire en douceur, sans déviation, ni heurts ni entraves.

Le contrôle de l’énergie de vie – prāṇāyāma

tasminsati śvāsapraśvāsayorgativicchedaḥ prāṇāyāmaḥ (49)

De fait, quand le flux de l’inspiration et de l’expiration est rompu, nous accédons au prāṇāyāma (49)

À l’abri dans le ventre de sa mère, le bébé ne respire pas par les narines: aucun souffle n’entre ni ne sort de son corps seul le prāṇā y circule. Cette vie n’est pas cependant la sienne, mais celle de sa mère. Il n’acquiert d’existence propre qu’au moment de la naissance par son premier souffle, le véhicule de la vie. Ce souffle doit rentrer de nouveau dans la matrice divine, à l’intérieur de la pituitaire, ājñā cakra. La, il est possible de se défaire de toute inspiration et de toute expiration et de se fondre dans la force de vie. Quand le souffle s’achève, cette vie pure, le prāṇā, entre dans la matrice divine, et c’est ici que se situe le véritable baptême. Car par cette naissance dans la matrice divine, nous sommes baptisés par notre Âme. Pour reprendre les Evangiles « Amen, amen, je te le dis, nul, s’il ne naît d’en haut, ne peut voir le royaume d’Elohim » (Jn 3, 6), ou encore les Vedas : devare bhramanevidu, vous devez naître deux fois connaître bhrama. pour Par la pratique de yama, puis de niyama, on parvient à āsana, au point où la force de vie est stabilisée, au niveau du troisième centre (manipura). Dans le quatrième centre (anāhata) se situe prānāyāma, prāna samyama, le contrôle de la vie. Toutes ces étapes sont celles du prāna, de la force de vie. Cette vie n’est pas le souffle, puisqu’il est l’un des cinq éléments. Elle se situe au-delà des éléments, elle est leur créateur. Comme il est dit dans la bhagavad gītā (IV-41), … ātmavantaṁ na karmāṇi … quand on est dans ātmā, on devient ātmā. Il n’y a plus alors ni action, ni inspiration ni expiration. On entre dans le pur prānā, dans le véritable prānāyāma. Le but ultime se situe pourtant encore au-delà et nécessite la disparition de ce pur prānā. Il faut éroder celui-ci, l’éliminer pour atteindre le samādhi, puis kaivalya.

vāhyābhyantarastambhavṛttirdeśakālasaṅkhyābhiḥ paridṛṣṭo dīrghasūkṣmaḥ (50)

Sans prêter attention à l’aller et retour, à la rétention du souffle, au lieu, au moment, à la durée et au nombre, vous vous situez au-delà de cette attention-là, pour observer simplement que le souffle est long et subtil (50)

Le sutra précédent traite de śvāsa (l’entrée du souffle) et praśvā (la sortie du souffle). Ici, la description est plus approfondie concernant le prānāyāma (comment doit être le souffle). Il est précisé qu’il n’est pas question de s’attarder sur certains paramètres. Le souffle est notre vie, et la vie doit pénétrer dans l’âme. Elle doit être fine, subtile et flexible. Elle peut ainsi entrer par la petite porte étroite, au-delà du point de la pituitaire à l’intérieur du crâne dans le cœur du cœur (l’un des trois cœurs) ou tout se manifeste et naît. Le but de la vie est d’entrer profondément à l’intérieur de l’âme par l’ouverture subtile. 

vāhyābhyantaraviṣayākṣepī caturthaḥ (51)

Le souffle sortant, le souffle entrant, le souffle matériel et le souffle intentionnel sont les quatre types de souffle (51)

Selon la situation, l’instant et l’intention qui anime l’individu, la nature du souffle change. Lorsqu’il expire en concentrant son attention sur un objet ou sur une parole, le souffle est comme interrompu. De même, quand un événement choquant survient, on inspire brusquement et le souffle est comme suspendu. Dans les deux cas, cela conduit à un déficit de prānā. Le souffle peut changer, mais c’est sans importance, car quand ces quatre souffles disparaîtront, le voile se dissipera. 

tataḥ kṣīyate prakāśāvaraṇam (52)

Quand tout est désagrégé, alors le voile se dissipe et la lumière se manifeste (52)

Quand tout est détruit et que le voile se dissipe, nous parvenons à la vacuité, à la forme du sans-forme, dans le cinquième centre d’énergie, le son-graine sang. En partant de Dieu, la création a commencé dans la vacuité puis s’est prolongée dans les éléments air, feu, eau, et finalement terre. Quand tout est nettoyé, détruit, quand les quatre souffles disparaissent, le son sang se manifeste et l’on est en mesure d’atteindre la véritable concentration, dhāranā. Là, le souffle change et passe à un autre niveau de la méditation, dans la vacuité absolue.

Concentration et intériorisation – dhāraṇa et pratyāhāra

dhāraṇāsu ca yogyatā manasaḥ (53)

C’est la capacité du mental d’atteindre la concentration (53)

Par la pratique de ce prāṇāyāma, vous serez capable de traverser le niveau des cervicales pour entrer dans un nouveau monde à partir de la pituitaire. Là, une autre conscience intérieure commence, qui vous emmènera à la complète renonciation. Cet état de conscience est appelé dhāranā (la contemplation) telle est la véritable capacité du mental. 

svaviṣayāsamprayoge cittasya svarūpānukāra ivendriyāṇāṁ pratyāhāraḥ (54)

Le véritable renoncement est obtenu quand, déconnecté de notre corps matériel, des organes des sens, nous retournons à la forme propre de citta (54)

Détaché des cinq villages matériels (l’odorat, le goût, la vision, le toucher et l’ouïe), vous obtiendrez un complet renoncement. Mais ce n’est pas encore l’état de dhāranā. La véritable concentration ne sera atteinte que lorsque cette forme du sans-forme, la vacuité, disparaîtra.

tataḥ paramā vaśyatendriyāṇām (55)

C’est à ce moment-là que nous contrôlons véritablement les organes des sens (55)

Il ne s’agit pas d’un contrôle extérieur, forcé par des règles, exercé sur les organes des sens, du travail et du mental, car ils n’acceptent pas cette frustration, et les conséquences en seraient amplifiées. C’est au travers du souffle et par lui, sans frustration, avec un amour profond de soi-même, que l’on obtient la véritable maîtrise.